Pour d’autres perspectives pédagogiques : prendre en compte les conditions de travail des élèves.
« L’Élève au centre du dispositif scolaire ». Voila une formulation largement galvaudée ! Et si nous lui redonnions son sens premier….
Qu’est-ce qu’une situation scolaire dite ergonomique ? Ce qualificatif a-t-il un sens ? La réponse est évidente pourtant : une situation scolaire peut être qualifiée d’ergonomique quand elle a créé un réel équilibre, une réelle compatibilité entre l’Élève, être singulier évidemment, et les contraintes qui lui sont imposées. Aménager la situation de travail de l’Élève doit donc s’appuyer sur l’évidence que s’Il ne peut satisfaire ses besoins fondamentaux, Il aura des difficultés à s’impliquer dans le travail scolaire. Donc le déterminant des dispositifs qui vont être mis en place doit être le respect du Jeune et de ses besoins fondamentaux. L’Élève au centre du dispositif scolaire.
Mais qu’entend-on par besoins fondamentaux de l’Élève ?
Les besoins que doit satisfaire l’Élève pour faire son « métier » sont multiples. Il doit en premier lieu satisfaire ses besoins biologiques primaires : ses besoins alimentaires et ses besoins de sommeil. Comment peut-on imaginer qu’un ventre vide puisse apprendre ? Comment peut-on concevoir que l’enfant puisse suivre des activités scolaires après 14h s’il n’a pas fait la sieste alors qu’il en a encore besoin ? C’est justement pendant le sommeil que l’élève met en mémoire ce qu’il a appris pendant l’éveil ! S’il n’a pas des temps de repos pendant la journée pour reprendre son souffle, s’il n’a aucun temps personnel pendant lequel il fait ce qu’il veut et même il ne fait rien, moment indispensable pour le développement de sa personnalité, quel adolescent va-t-il être, quel adulte sera-t-il ?
La deuxième catégorie de besoins fondamentaux, c’est la satisfaction des besoins affectifs et du sentiment de sécurité. Nous avons noté combien l’affectivité, c'est-à-dire tout ce qui a trait aux émotions, aux sentiments, intervient dans les apprentissages. L’enfant qui a peur, qui est angoissé, ne peut pas apprendre. Avoir confiance en soi est une nécessité pour comprendre le monde, pour apprendre le monde.
La troisième catégorie de besoins est lié au fonctionnement même des processus mentaux : s’il ne comprend pas ce qu’il essaie d’apprendre et pourquoi les savoir qu’il doit apprendre sont indispensables à maîtriser pour avancer dans sa scolarité, il n’apprendra pas ; s’il ne peut faire des liens entre son expérience personnelle, ce qui lui est demandé d’apprendre, ce qu’il vit à l’instant et ce qu’il sait déjà, il ne comprendra pas pourquoi il doit apprendre et il n’apprendra pas.
La quatrième catégorie de besoins revendique la nécessité de posséder des outils pour apprendre. Le fonctionnement de la mémoire humaine est à l’heure actuelle bien compris et affirme que, pour apprendre, une succession précise d’activités mentales sont indispensables. Qu’en est-il dit aux élèves ? Ne leur donne-t-on pas à penser que chacun apprend différemment ? Que certains ont de la mémoire et d’autres pas ? Quand se décidera-t-on à leur donner des outils pour apprendre ? Nous verrons que c’est un des grands chantiers à mener si l’École ne veut pas laisser de plus en plus d’élèves sur le bord de la route des apprentissages.
L'ambition d'un aménagement ergonomique des situations scolaires impose le respect des besoins fondamentaux des élèves. Car l’ergonomie affirme, de la plus forte des façons qui soit, que la seule chose qui soit généralisable à toutes les situations de travail qu’elles produisent des services, des objets industriels, etc. , ce sont les connaissances sur les individus eux-mêmes. Il en est de même dans le cadre de l’aménagement ergonomique des situations scolaires ; seules les connaissances sur les enfants, les adolescents et l’ensemble des adultes travaillant dans ces situations-là de travail sont généralisables au monde de l’École. Pourquoi se priver de ces savoirs-là qui aideraient à trouver le meilleur compromis possible pour chaque situation scolaire forcément unique et évidemment singulière par son collectif humain, par ses espaces, par son cadre culturel et économique, etc… ?